par François
Savignac
Depuis la disparition de Terremoto de Jerez (1934 - 1981) et Camaron de la Isla (1950-1992) ce rebelle qui fut le Rimbaud du flamenco, Agujetas est reconnu par ses pairs comme la plus grande figure vivante du cante jondo (chant profond) mais surtout comme l'un des derniers représentants d'un flamenco ancestral, brut et sans concessions. Il faut avoir entendu son terrifiant "La amarraba por las manos" ("On lui avait attaché les mains") pour saisir à quel point le cante flamenco est aussi un bouleversant chant des origines. La venue d'Agujetas à la Cité de la Musique de Paris le 6 décembre dernier est passée quasiment inaperçue, la presse culturelle parisienne s'enthousiasmant plus aisément pour John Galliano, la World Music, ou l'entrée au Panthéon des cendres d'André Malraux. Attente en partie déçue dans la mesure où la salle des concerts de la Cité de la musique n'est pas le lieu idéal pour un récital vocal. Légèrement sonorisé, Agujetas eut quelque mal à trouver ses marques dans le sanctuaire high-tech de Pierre Boulez. Les spectacles de flamenco dansé y sont davantage à leur place. Né à Jerez il y a 55 ans environ (sa date de naissance reste un mystère) Agujetas travailla jusqu'en 1970 dans la forge de son père. Comme le jazzman Thelonious Monk, Agujetas maîtrise au plus haut point les longues séquences, les silences. Comme Monk également, il triture les phrases, produit ces fameux sons noirs (sonidos negros). Il n'est jamais meilleur qu'à découvert, excelle dans les "martinetes" (chant puissamment dramatique pour voix seule), les "soleas", les "seguiriyas" et ignore le panache à la différence de Camaron qui faisait crépiter comme personne les "bulerias". |
Le chant d'Agujetas, rauque, à l'arraché, délivre une puissance tellurique que l'on ne trouve que chez Terremoto de Jerez. Mario Bois, qui dirige l'excellente collection de disques "Grands cantaores du flamenco" (Le Chant du Monde/harmonia mundi) a eu des mots très justes sur le style d'Agujetas: "Ce cantaor est presque toujours tendu, violent, barbare, sans délicatesse. Agujetas n'est qu'un cri. Il peut faire penser aux matadors du siècle dernier, tueurs puissants qui ne faisaient pas dans la dentelle". Dans son éloquence primitive, le flamenco d'Agujetas se veut une chronique du quotidien et relate des événements réels. Agujetas sait faire passer dans un mot, dans un râle, dans un silence, autant de drame et de poésie que tout un opéra de Wagner. Tandis que Camaron s'appuyait sur des guitaristes éblouissants (Paco de Lucia, Tomatito) Agujetas n'a jamais eu de passion particulière pour la guitare. Il fait avec, la considère comme accessoire. Sachant qu'ils risqueraient se faire "humilier" en public, les grands guitaristes ne se bousculent guère pour l'accompagner. Un brin mégalo, Agujetas ne se reconnaît, dans le circuit flamenco actuel, aucun égal hormis un vieux cantaor nommé "Chocolate". Et quand on lui demande quels maîtres il a vénérés, il n'en cite qu'un seul: Manuel Torre. Un peu comme si un ténor prétendait n'avoir admiré que Caruso! Agujetas vit tranquille à la campagne près de Rota, non loin de Cadiz. Il retape sa maison de ses mains, cultive lui-même ses fruits et ses légumes, se méfie des milieux (pour ne pas dire des lobbies) flamencos et crie sa révolte contre la drogue, dont les ravages sur la jeunesse atteignent en Andalousie des proportions dramatiques. A la différence de la plupart des gitans sédentaires pris de panique à l'idée de quitter leur village, Agujetas est un voyageur. Il aime les Etats-Unis (les grands espaces, pas Las Vegas), vit aujourd'hui avec une japonaise et ignore la sensation de déracinement qu'il séjourne à Hong Kong, Paris, Londres ou Tokyo. Depuis l'époque où, jeune gitan, il travaillait dans la forge paternelle, sa manière de vivre le flamenco est restée la même. Carrière et trajectoire sont, chez Agujetas, des notions vides de sens. |
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FLAMENCO, la rage et le
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